PARIS (AFP) - Des interactions surprenantes, au sein des galaxies, entre la matière visible et la matière noire, de nature inconnue, ont conduit une équipe d'astronomes européens à se demander si la matière noire existe vraiment ou si les lois de la gravité de Newton sont à revoir.
Ces observations dans différentes galaxies, relatées jeudi dans la revue scientifique britannique Nature, pourraient apporter une nouvelle pierre à l'édifice théorique défendu par les astronomes, jusque-là minoritaires, qui proposent une modification des lois de la gravitation aux échelles cosmiques.
Les galaxies tournent tellement vite que des étoiles devraient s'en échapper, à cause de la force centrifuge, comme des nacelles mal arrimées à un manège.
D'après les lois de Newton, la force de la gravité diminue très vite à mesure que s'accroît la distance. A la périphérie des galaxies, loin de leur coeur très dense, elle est donc très affaiblie. La masse des étoiles visibles ne suffit pas à expliquer le mouvement constaté des étoiles et du gaz. Il faudrait beaucoup plus de matière pour le justifier.
Les astronomes supposent donc que la matière visible des galaxies est entourée d'un halo de matière noire, de nature inconnue, correspondant à l'énorme masse manquante. Près de 90% de la matière qui nous entoure serait de nature inconnue.
Or, matière visible et matière noire semblent avoir une interaction intime, comme si "la matière noire +savait+ exactement comment la matière visible est répartie dans les galaxies", explique l'astronome Benoît Famaey (Observatoire astronomique de Strasbourg, France, et Institut d'Astronomie de l'Université de Bonn, Allemagne).
En conclusion, "soit la matière noire existe, mais elle interagit d'une manière qu'on ne comprend pas avec la matière visible, de manière à donner cette relation très régulière, soit il y a une modification de la gravitation (et donc pas de matière noire), ce sont les deux explications à notre découverte", a-t-il précisé à l'AFP.
Cette dernière théorie, selon laquelle la force gravitationnelle diminuerait moins vite avec la distance que dans les lois de Newton, a été proposée dès 1983 par Mordehai Milgrom (Institut Weizmann, Israël).
La force gravitationnelle engendrée par la matière visible serait alors "plus forte" dans la banlieue galactique et pourrait suffire à expliquer le ballet des étoiles sans recourir à une supposée matière noire.